SÉRIES TRIGONOMÉTRIQUES

SÉRIES TRIGONOMÉTRIQUES
SÉRIES TRIGONOMÉTRIQUES

Les séries trigonométriques se sont introduites au XVIIIe et au début du XIXe siècle, en liaison avec certains problèmes de physique (mouvement des cordes vibrantes, propagation de la chaleur). Elles sont d’un usage courant en astronomie, en cristallographie, en optique. Mais c’est en mathématiques qu’elles ont joué le rôle le plus important.

La justification du formalisme introduit par Joseph Fourier a occupé une grande part de l’effort des analystes du XIXe et même du XXe siècle. Elle a conduit au concept moderne de fonction, à la théorie de l’intégration, aux notions les plus importantes concernant la sommation des séries et enfin à une partie de l’analyse fonctionnelle moderne. Il se trouve même qu’un problème concernant les séries trigonométriques est à l’origine de la théorie des ensembles. Les séries trigonométriques constituent donc l’exemple type d’un objet mathématique introduit par les besoins de la physique et dont l’étude a conduit à l’élaboration de concepts et de théories mathématiques de grande portée.

Ce rôle, sans être aussi important qu’autrefois, n’est pas terminé, et l’article s’efforcera d’en donner une idée.

1. Notations

Les séries trigonométriques sont les séries de la forme:

dans lesquelles t désigne une variable réelle, 諸 un nombre 礪 0 (c’est la fréquence fondamentale), les a n et les b n des coefficients réels (b 0 = 0), les r n des nombres 閭 0 (les amplitudes) et les 﨏n des nombres réels définis modulo 2 神 (les phases). Les séries (1) et (2) sont liées par les formules:

Les sommes partielles s’écrivent:

Il est souvent commode de les écrire:

en posant c n = a n + ib n , n 閭 0, et c n = a nib n , n 諒 0. Cela amène à considérer, au lieu de séries (1) ou (2), des séries:

à coefficients c n complexes, dont on définit encore les «sommes partielles» par (3).

C’est sous la forme inspirée de (4) que s’écrivent le plus commodément les «séries trigonométriques généralisées»:

où la suiten est réelle (lesn s’appellent les fréquences) et les «séries trigonométriques multiples»:

t = (t 1, t 2, ..., t k ) 捻 Rk et où (n , t ) est le produit scalaire n 1t 1 + n 2t 2 + ... + n k t k .

Dans la théorie des séries trigonométriques, on choisit généralement 諸 = 1 (pour la commodité de l’écriture) ou 諸 = 2 神 (parce qu’alors les termes des séries (1), (2), (4) sont invariants par le changement de t en t + 1, et qu’ainsi t peut être considéré comme une variable sur le tore T = R/Z, c’est-à-dire un nombre réel défini modulo 1). C’est ce dernier parti que nous prendrons.

Si f est une fonction, à valeurs complexes, définie sur T, c’est-à-dire une fonction périodique et de période 1, on pourra tenter de la représenter par une série trigonométrique. À cette fin, on lui associe la série (4), définie par:

on peut interpréter l’intégrale sur T comme une intégrale prise sur un intervalle quelconque de longueur 1. Si la fonction f est réelle, on peut aussi lui associer la série (1) définie par:

n est un entier 閭 1.

On appelle formules de Fourier les séries (7) et (8); leurs premiers membres s’appellent «coefficients de Fourier de f », et les séries (4), (1) ou (2) correspondantes «séries de Fourier de f ».

2. Aperçu historique

Quoique certaines sommes de séries trigonométriques aient déjà été calculées par L. Euler (cf. analyse HARMONIQUE), on peut considérer que l’histoire des séries trigonométriques remonte à la solution, donnée par D. Bernoulli, du problème des cordes vibrantes . Le problème est de calculer (cf. figure) le mouvement d’une corde, de longueur l , fixée en ses extrémités, et qui est soit écartée de sa position d’équilibre et lâchée (corde de guitare), soit frappée de façon à lui imprimer, en ses différents points, des vitesses de déplacement latéral (corde de piano).

L’équation des cordes vibrantes, qui concerne le déplacement latéral y (x , t ) (supposé petit) au temps t du point x de la corde, est:

les conditions initiales imposent:

et respectivement:

pour la corde pincée, et:

pour la corde frappée. D’Alembert et Euler avaient découvert la solution générale, sous la forme:

f est une fonction périodique et de période 2 l qui, dans le premier cas, est impaire et égale à 﨏/2 sur [0, l ] et, dans le second cas, est paire et primitive de 祥/2 諸 sur [0, l ]. Pour des raisons physiques évidentes, D. Bernoulli pensait pouvoir écrire la solution sous la forme d’une série d’harmoniques solutions de l’équation des cordes vibrantes, c’est-à-dire:

dans le premier cas et, dans le second cas,

Mais cela supposait, par exemple dans le premier cas, que l’on puisse écrire 﨏(x ) sous la forme:

Comment une fonction 﨏 (x ) arbitraire pourrait-elle se résoudre en une somme de fonctions sinus d’arcs multiples? Les meilleurs mathématiciens de l’époque (1750) ne le croyaient pas possible.

La question ne fut reprise que cinquante ans plus tard, par Fourier, à l’occasion de la théorie analytique de la chaleur (1822). L’équation en cause est ici:

y est la température au temps t et au point x d’une barre maintenue à température fixe (par exemple 0) aux extrémités, et une solution formelle en est:

sorte que:

De nouveau, on est amené à tenter d’écrire une fonction donnée sous forme d’une série trigonométrique. Fourier donne une série d’exemples, fondés sur des formules du type (8). Il conclut, un peu rapidement, que les séries trigonométriques obtenues sont convergentes, qu’elles ont bien pour somme les fonctions données et qu’ainsi sont levées les objections faites à D. Bernoulli.

Il n’en est rien. Mais une bonne part de l’analyse mathématique allait sortir de cette intuition de Fourier.

L’étape décisive est l’admirable mémoire de 1829 où P. G. Lejeune-Dirichlet donne le premier théorème de convergence de séries de Fourier. Après avoir établi, pour une fonction f monotone et continue entre 0 et h , la formule:

Dirichlet montre que, pour toute fonction f monotone et continue par morceaux sur le tore T, les sommes partielles SN(t ) de la série de Fourier de f convergent, en tout point t , vers:

moyenne des valeurs limites de f à droite et à gauche de t . Cela résulte de (9) et de l’importante formule:

où:

Dans la dernière intégrale (10), DN joue le rôle d’un noyau de convolution. On l’appelle, naturellement, le noyau de Dirichlet.

L’intérêt du travail de Dirichlet n’est pas seulement dans le résultat, ni dans la méthode – qui est fort belle. On peut considérer que le concept moderne de fonction remonte à ce mémoire. Auparavant, une fonction était donnée soit par une expression analytique, soit par une représentation graphique. Au contraire, pour Dirichlet, la fonction n’est qu’une loi qui à chaque valeur x de la variable fait correspondre f (x ). Pour expliquer, par exemple, que les intégrales (8) n’ont de sens que pour certaines fonctions, Dirichlet considère une fonction 﨏 égale à a pour x rationnel et à b pour x irrationnel, a étant différent de b . Avec le concept d’intégrale qu’on avait à l’époque, et qui allait être formalisé par Riemann, il s’agit en effet d’une fonction non intégrable.

La thèse de Riemann «Sur la possibilité de représenter une fonction par une série trigonométrique» a pour résultat principal un théorème de localisation qui s’exprime grossièrement ainsi: Si deux fonctions sont égales au voisinage d’un point, leurs séries de Fourier ont les mêmes propriétés en ce point. Elle introduit une méthode puissante. Cette méthode consiste à associer à une série trigonométrique (4), à coefficients tendant vers 0, la série deux fois formellement intégrée:

(on suppose pour simplifier c 0 = 0), qui converge vers une fonction continue F(t ), et elle consiste ensuite à étudier la différence seconde:

quand h0. C’est ce qu’on appelle le procédé de sommation de Riemann.

C’est dans la note historique qui précède la thèse que B. Riemann, critiquant une erreur commise par A. Cauchy, précise la théorie des séries numériques en distinguant les séries absolument convergentes (qui sont aussi commutativement convergentes) et les séries semi-convergentes (auxquelles on peut donner n’importe quelle somme par changement de l’ordre des termes). Et c’est au tout début de l’étude proprement dite que se trouve exposée la théorie de l’intégrale de Riemann , c’est-à-dire le premier concept d’intégrale mathématiquement élaboré. À ce stade enfin, pour la première fois, les formules de Fourier (7) ou (8) ont un sens parfaitement clair!

Il était naturel que le concept de fonction et celui d’intégrale apparussent à l’occasion de l’étude des séries de Fourier. La théorie des ensembles aurait pu naître autrement. Il se trouve qu’elle aussi a été fondée, par G. Cantor, pour poser et résoudre un problème sur les séries trigonométriques. Il s’agit maintenant de séries (1) qui ne sont pas nécessairement séries de Fourier. Si deux telles séries convergent en tout point vers la même fonction, sont-elles nécessairement identiques? En d’autres termes, si la série (1) converge vers 0 pour tout t , a-t-on nécessairement a n = b n = 0 pour tout n ? Cantor répond affirmativement à la question. Puis, en 1871, sous le titre Extension d’un théorème sur les séries trigonométriques , il montre que le résultat subsiste si l’on suppose seulement que (1) converge vers 0 en dehors d’un ensemble fini ou, plus généralement, d’un ensemble dont un dérivé d’ordre fini ou transfini est vide. C’est loin d’être, dans cette direction, le meilleur résultat possible. Mais on peut voir là l’acte de naissance de la théorie des ensembles.
Deux illustres contre-exemples (1872-1873). K. Weierstrass donne, sous la forme d’une série:

b est un entier 閭 2, où 0 麗 a 麗 1 et où ab 閭 10, le premier exemple d’une fonction continue qui n’admet de dérivée en aucun point. Paul Du Bois-Reymond construit une fonction f continue, monotone par morceaux hors de tout intervalle de centre 0, mais oscillant indéfiniment au voisinage de 0, et dont la série de Fourier diverge au point 0.

L’année 1900 marque un tournant dans l’histoire des séries trigonométriques, avec les premiers travaux de L. Fejér et surtout la thèse de H. Lebesgue.

Fejér introduit les moyennes arithmétiques des sommes partielles SN(t ), c’est-à-dire les:

Ces «sommes de Fejér» s’expriment par une formule, analogue à (10),

où:

Fejér montre que 靖N(t ) tend vers:

chaque fois que cette expression a un sens et qu’en particulier 靖N(t ) tend vers f (t ) quand f est continue en t , uniformément si f est continue partout sur T. L’importance de ce résultat, en dehors de sa simplicité, est d’attirer l’attention sur la notion de procédé de sommation . À partir de là, il apparaît que, même si une série est divergente, il est raisonnable de lui attribuer une somme au moyen d’un procédé de sommation convenable.

L’idée n’était pas absolument nouvelle. Le procédé de Riemann, déjà décrit, consiste à associer à une série numérique:

l’expression, si elle existe:

le procédé d’Abel-Poisson, qui s’introduisait dans l’étude des séries de Taylor, associe l’expression:

le procédé de Weierstrass, très lié à l’équation de la chaleur,

le procédé d’Émile Borel, introduit pour le prolongement analytique des séries de Taylor,

et enfin le procédé de Fejér, ou procédé de Cesaro (C, 1),

À partir de là s’imposait une étude systématique des procédés de sommation (O. Toeplitz, G. H. Hardy, M. Riesz...). L’application aux séries trigonométriques a donné lieu à une très vaste littérature, dont il faut particulièrement retenir ce qui concerne les séries trigonométriques multiples (6), dues à Salomon Bochner.

Les propriétés de la fonction KN qui figure dans (13), et que l’on appelle le noyau de Fejér, expliquent le succès des 靖N; ces propriétés sont partagées par d’autres fonctions dépendant d’un paramètre, par exemple le noyau de Poisson Pr et le noyau de Weierstrass W size=1, qui permettent respectivement d’écrire:

les c n étant les coefficients de Fourier de f . Les propriétés en question, communes à KN, Pr et W size=1, définissent les «identités approximatives»; la convolution par une identité approximative est une bonne façon d’approcher une fonction. L’explicitation la meilleure de cette formule un peu vague se trouve dans le premier chapitre du livre de Y. Katznelson cité en référence (cf. représentation et approximation des FONCTIONS, chap. 4 et 7).

La thèse de Lebesgue (1902) donne une nouvelle définition de l’intégrale, plus générale que celle de Riemann, permettant par conséquent de donner un sens aux formules de Fourier (7) et (8) et à toutes celles qui en dérivent, pour une classe de fonctions beaucoup plus étendue. Plus tard, A. Denjoy, avec la totalisation, allait trouver une nouvelle généralisation de l’intégration, permettant d’attribuer un sens aux formules de Fourier pour toute fonction f susceptible de s’écrire comme somme, en tout point, d’une série trigonométrique partout convergente. À chaque sens donné au symbole d’intégration correspond une définition des séries de Fourier : on doit ainsi distinguer les séries de Fourier-Riemann, celles de Fourier-Lebesgue, celles de Fourier-Denjoy, celles de Fourier-Stieltjes (où dt est remplacé par une mesure sur T) et celles de Fourier-Schwartz (où f (t ) dt est remplacé par une distribution sur T). Dès 1906, dans ses Leçons sur les séries trigonométriques , Lebesgue montrait le parti qu’on pouvait tirer de son intégrale, dans l’étude de la convergence ponctuelle et surtout dans l’étude de la convergence presque partout, qui renouvelait complètement le sujet. De 1906 date également la thèse de P. Fatou: Séries trigonométriques et séries de Taylor , où la notion de mesure de Lebesgue est largement utilisée.

L’importance en analyse de l’intégrale de Lebesgue s’est ainsi affirmée d’abord à l’occasion de la théorie des séries trigonométriques. Un exemple remarquable le fera comprendre. On connaissait depuis longtemps la «formule de Parseval»:

où les c n sont les coefficients de Fourier de f . Cette formule vaut non seulement pour les fonctions intégrables au sens de Riemann, mais pour toutes les fonctions f de carré intégrable au sens de Lebesgue (ce que l’on écrit f 捻 L2). Un théorème, établi indépendamment par E. Fischer et par F. Riesz (1907), montre que toute suitec n telle que:

(on écritc nl 2) est la suite des coefficients de Fourier-Lebesgue d’une certaine fonction de L2; comme l’écrit quelque part F. Riesz, les formules de Fourier (7) sont comme un billet aller et retour entre L2 et l 2; moins élégamment, on dit que c’est un isomorphisme d’espaces de Hilbert. Or, que L2 soit un espace de Hilbert est un fait d’intérêt indépendant et de grande portée. Plus généralement, il apparaît que les espaces Lp , de fonctions de p -ième puissance intégrable au sens de Lebesgue, sont des espaces normés et complets pour p 閭 1; c’est ce fait fondamental que l’on désigne quelquefois aujourd’hui sous le nom de théorème de Fischer-Riesz [cf. RIESZ (F.)].

Il est difficile de dresser, même en grandes lignes, l’histoire des séries trigonométriques au cours du XXe siècle. Nous retiendrons seulement quelques sujets. Mais il est bon d’indiquer que l’épanouissement des écoles polonaise et russe, dans les années 1920-1940, dans le domaine de l’analyse fonctionnelle et des probabilités est intimement lié à la fois à la théorie de l’intégrale de Lebesgue (très mal connue en France à l’époque) et aux problèmes soulevés par les séries trigonométriques (également ignorés en France, à l’exception de A. Denjoy, S. Mandelbrojt et R. Salem). Le traité de A. Zygmund (première édition en 1935, deuxième édition rééditée en 1988) est la référence essentielle, et il a joué un rôle de premier plan dans la formation de plusieurs générations d’analystes.

3. Quelques problèmes et autres développements

La convergence des séries de Fourier

Dirichlet avait établi que la convergence des séries de Fourier avait lieu pour des fonctions monotones et continues par morceaux, Du Bois-Reymond qu’elle n’avait pas nécessairement lieu pour des fonctions continues. Le théorème de Fischer-Riesz établit, quant à lui, que les sommes partielles de la série de Fourier d’une fonction f 捻 L2 tendent vers f dans l’espace L2.

Jusqu’en 1966, on n’a pas su si la série de Fourier d’une fonction continue sur T converge nécessairement sur un ensemble non vide. À cette date, L. Carleson a montré que, pour toute f 捻 L2, la série de Fourier de f converge vers f (t ) presque partout. La réponse à la question posée est donc positive. C’est le meilleur résultat possible, dans ce sens que, étant donné un ensemble de mesure nulle sur T, il existe une fonction continue dont la série de Fourier diverge sur cet ensemble.

Le théorème de Carleson vaut en remplaçant L2 par Lp , avec p 礪 1 (R. Hunt, 1967). Il ne vaut pas pour L1, puisque, dès 1926, on connaissait des fonctions de L1 dont la série de Fourier diverge partout (A. N. Kolmogorov).

Essentiellement, pour les séries de Fourier à une variable, le problème de la convergence se trouve résolu avec les travaux de Carleson et Hunt.

Pour les séries de Fourier à plusieurs variables du type (6), avec k 閭 2, il faut définir ce qu’on appelle les sommes partielles avant de poser le problème de la convergence. Si l’on prend les sommes partielles «cubiques», définies comme la somme des termes pour lesquels:

on a le résultat analogue au théorème de Carleson et Hunt (Charles Fefferman, Per Sjölin). Si l’on prend les sommes partielles «sphériques» définies par:

il existe pour tout p 麗 2 une fonction de Lp (Tk ) dont la série de Fourier diverge presque partout (Fefferman, 1972); la situation est donc très différente pour k = 1 et pour k 閭 2; le problème reste ouvert pour p 閭 2, k 閭 2.

La convergence des séries trigonométriques

La convergence des séries trigonométriques est une question toute différente de la précédente: on considère ici des séries dont les coefficients ne sont pas nécessairement donnés par les formules de Fourier. Le problème est le suivant: Une fonction f étant donnée, existe-t-il une série trigonométrique qui converge presque partout vers f ? On peut supposer f à valeurs finies ou infinies, mais on doit la supposer mesurable au sens de Lebesgue.

C’est un sujet étudié, depuis 1916, par D. Menchov et l’école russe. Menchov a d’abord étudié le cas f 令 0. Dans ce cas, le problème a évidemment une solution (la série à coefficients tous nuls), mais Menchov montre qu’elle n’est pas unique. Dans le cas où f a des valeurs finies, le problème a une solution positive. Le cas général est encore mystérieux. En particulier, on ne sait pas s’il existe une série trigonométrique dont les sommes partielles tendent vers + 秊 presque partout; la réponse est vraisemblablement négative.

Si, au lieu de la convergence, on étudie la sommabilité d’Abel-Poisson, on obtient des résultats plus complets (N. Lusin et I. Privalov en 1925, F. Bagemihl et W. Seidel en 1954, J.-P. Kahane et aussi Y. Katznelson en 1971): Étant donné deux fonctions f et g mesurables, à valeurs finies ou infinies, il existe une série trigonométrique (1) à coefficients tendant vers 0, qui est sommable vers f et dont la conjuguée:

avec ici 諸 = 2 神, est sommable vers g .

Les ensembles d’unicité

Le problème remonte à Cantor. Quels sont les ensembles E sur la droite tels que, si une série trigonométrique (1) converge vers 0 en tout point n’appartenant pas à E, tous ses coefficients soient nuls? On les appellera ensembles d’unicité. Tous les autres ensembles sont appelés ensembles de multiplicité. Complétant les résultats de Cantor, W. H. Young montra que tout ensemble dénombrable est ensemble d’unicité. Dans l’autre sens, il est facile de voir que tout ensemble de mesure positive est ensemble de multiplicité. Le résultat de Menchov de 1916, qui a été indiqué plus haut, signifie qu’il y a des ensembles de mesure nulle qui sont ensembles de multiplicité.

La réunion de deux ensembles d’unicité fermés est un ensemble d’unicité (Nina Bari, 1927). Le résultat est faux pour des ensembles quelconques, inconnu pour des ensembles boréliens.

La classification des ensembles parfaits (fermés sans points isolés) en ensembles d’unicité et ensembles de multiplicité fait apparaître des phénomènes curieux (I. I. Piatetski-Shapiro, R. Salem et A. Zygmund, A. Rajchman, R. Salem). L’ensemble triadique de Cantor est un ensemble d’unicité. Mais, si l’on considère un ensemble E size=1 parfait, décomposable en deux portions égales qui lui sont homothétiques dans le rapport 﨡, avec 0 麗 﨡 麗 1/2 (le cas 﨡 = 1/3 correspond à l’ensemble triadique de Cantor), la réponse dépend de propriétés arithmétiques du nombre = 1/ 﨡; si est un entier algébrique dont tous les conjugués, à l’exception de lui-même, sont de module 麗 1 (on dit alors que est un nombre de Pisot), E size=1 est un ensemble d’unicité; sinon, c’est un ensemble de multiplicité. Ce résultat est à la source de plusieurs travaux sur les nombres de Pisot et leurs généralisations (F. Bertrandias, Y. Meyer, J.-P. Schreiber).

Si l’on restreint l’ensemble des séries trigonométriques considérées, on agrandit la classe des ensembles d’unicité. Ainsi, si l’on donne une suite 﨎n 醴 0, les ensembles E, tels que la seule série trigonométrique (1) vérifiant |a n | + |b n | 麗 﨎n et convergeant vers 0 hors de E soit la série à coefficients tous nuls, forment une classe U( 﨎). Zygmund a montré qu’il existe des ensembles U( 﨎) de mesure positive; un problème ouvert est d’en trouver dont le complémentaire soit de mesure nulle.

Les séries trigonométriques absolument convergentes

Considérons les fonctions sommes de séries (4) absolument convergentes, avec 諸 = 2 神. On vérifie qu’en ajoutant, en soustrayant, en multipliant des fonctions de cette classe on reste dans la classe; c’est dire que la classe en question est un anneau , qu’on désigne par A. Lorsqu’on munit chaque fonction de la norme |c n |, c’est un anneau normé. La théorie des anneaux normés est une des perles de l’analyse fonctionnelle; elle est due à I. M. Gelfand (1942). Mais, avant Gelfand, N. Wiener avait, en étudiant l’anneau A, dégagé certaines idées maîtresses de la future théorie. Le résultat principal (théorème de Wiener-Lévy) est que toute fonction analytique d’une fonction de la classe A est une fonction de la classe A; en bref, les fonctions analytiques opèrent dans A.

La réciproque fut établie par Y. Katznelson en 1958: Si F est une fonction de variable réelle qui opère dans A, cette fonction F est analytique. En 1959, P. Malliavin démontrait que les idéaux fermés dans A ne sont pas nécessairement déterminés par leur cospectre; c’est-à-dire qu’une fonction f 捻 A n’est pas nécessairement approchable dans A par des fonctions qui s’annulent au voisinage de l’ensemble de ses zéros.

Auparavant (en 1954), A. Beurling et H. Helson avaient montré que les seules applications 﨏 de T dans T telles que f 捻 A 輦 f 獵 﨏 捻 A sont les fonctions linéaires 﨏(t ) = nt + a .

Après ces résultats, l’intérêt principal s’est porté sur les classes A(E) de fonctions définies sur un ensemble fermé E 說 T et prolongeables en fonctions de la classe A. Ce sont de nouveaux anneaux normés, pour lesquels l’extension des théorèmes de Katznelson et de Malliavin n’est pas facile; le meilleur résultat dans cette direction a été obtenu en 1965 par N. Varopoulos, au moyen de sa théorie des algèbres tensorielles: Les deux théorèmes s’étendent dès lors que E contient un ensemble de la forme E + F, les ensembles E et F étant deux fermés non dénombrables.

L’extension du théorème de Beurling et Helson est encore plus difficile; elle a fait l’objet de travaux récents de N. Leblanc.

Pour certains ensembles E, la classe A(E) coïncide avec l’ensemble des fonctions continues sur E: on les appelle ensembles de Helson. Deux problèmes posés depuis plus de quinze ans ont été résolus tout récemment à leur propos. La réunion de deux ensembles de Helson est un ensemble de Helson (S. Drury et N. Varopoulos, 1971). Il existe un ensemble de Helson qui porte une distribution, non nulle, dont les coefficients de Fourier tendent vers 0 à l’infini (T. Körner, 1972); un théorème de Helson affirme qu’une telle distribution ne peut être une mesure. Le problème principal qui reste est la «conjecture de dichotomie»: Ou bien E est un ensemble de Helson, et toutes les fonctions continues opèrent dans A(E), ou bien seules les fonctions analytiques opèrent dans A(E).

Les séries trigonométriques lacunaires

Les séries trigonométriques lacunaires apparaissent pour la première fois dans l’exemple de Weierstrass, d’une fonction continue nulle part dérivable. Une fonction telle que (12) est très irrégulière; mais elle manifeste une sorte de régularité dans l’irrégularité, bien mise en évidence par G. Freud (1962) et plus encore par M. Bruneau (1970).

Considérons une série (5), oùn est une suite symétrique, c’est-à-dire telle que-n = 漣n , satisfaisant à la condition de lacunarité: n +1qn , avec q 礪 1 et n = 1, 2, ..., qu’on appelle condition de Hadamard. Dans ce cas, les fonctions:

sont presque indépendantes, et on peut obtenir pour ces séries l’analogue de beaucoup de résultats concernant les sommes de variables aléatoires indépendantes; il est d’ailleurs intéressant de noter que, dans certains cas, les résultats sur les séries trigonométriques lacunaires ont précédé ceux qui concernent les variables indépendantes, pourtant essentiellement plus simples.

Exemples:

1. Si |c n |2 麗 秊, la série (5) converge presque partout (Kolmogorov, 1924); inversement, si la série converge sur un ensemble de mesure positive, on a |c n |2 麗 秊, et de plus la somme f (t ) vérifie exp (f 2) 捻 L1 pour tout 礪 0 (Zygmund).

2. Si la série (5) converge en tout point d’un intervalle, on a |c n | 麗 秊 (S. Sidon).

Un problème général, posé par S. Mandelbrojt, est le suivant. La suiten étant donnée, supposons que f ait une série de Fourier de la forme (5) et que f satisfasse à une propriété P sur un intervalle, arbitrairement petit. S’ensuit-il que f ait la même propriété partout? Lorsquen +1n秊, avec n梁 秊, la réponse est positive pour de nombreuses propriétés P, par exemple:

a ) la nullité,

b ) l’appartenance à L2,

c ) l’appartenance locale à A,

d ) la dérivabilité d’ordre infini,

e ) l’analyticité.

De plus, pour les propriétés (a ), (b ) et (c ), on connaît explicitement les conditions nécessaires et suffisantes surn pour que la réponse soit positive.

Si l’on prend pour P la propriété d’être bornée, ou continue, le problème devient plus difficile; les progrès dans cette direction, très liée à la théorie des nombres, sont dus à Y. Meyer.

Les séries trigonométriques aléatoires

Les séries trigonométriques aléatoires sont des séries de la forme (1), où les a n et les b n représentent des variables aléatoires; le cas le plus simple est:

(variables aléatoires de Rademacher indépendantes); un autre cas important est:

où les Xn et Yn sont des variables aléatoires gaussiennes centrées, normalisées et indépendantes.

Les séries du premier type apparaissent pour la première fois dans des notes de R. Paley et A. Zygmund (1932). Un de leurs résultats marquants est le suivant. Si l’on a:

il est presque sûr que la série:

n’est pas une série de Fourier-Lebesgue. Ainsi, aucune condition sur les amplitudes meilleure que la condition de Fischer-Riesz ne garantit qu’une série trigonométrique est une série de Fourier.

Les séries du second type ont été introduites par N. Wiener dans l’étude du mouvement brownien; on a dans ce cas:

Pour les unes et les autres, la plupart des propriétés intéressantes de la série trigonométrique aléatoire ont pour probabilité 0 ou 1. La probabilité est la même pour que:

a ) la série converge presque partout,

b ) elle soit une série de Fourier-Lebesgue,

c ) elle représente une fonction appartenant à tous les Lp , avec 1 諒 p 麗 秊 (PaleyZygmund).

La probabilité est la même pour que:

a ) la série converge partout,

b ) elle représente une fonction bornée,

c ) elle représente une fonction continue (P. Billard, 1961).

4. Applications des séries trigonométriques

En mathématique, les séries trigonométriques n’ont cessé, depuis deux cents ans, de suggérer de nouveaux concepts et de nouveaux sujets d’étude. Sans occuper, dans la mathématique du XXe siècle, la place qu’elles tenaient au XIXe siècle, on peut penser que leur influence n’est pas terminée.

Les méthodes fondées sur les sommes trigonométriques jouent un rôle important en théorie des nombres: problèmes de Goldbach et de Waring, répartition modulo 1. Le lien entre séries trigonométriques et séries de Taylor explique leur intérêt dans l’étude du comportement des fonctions analytiques à la frontière. Les séries trigonométriques généralisées, qui interviennent dans la théorie des fonctions presque périodiques, ont aussi été appliquées à la fonction 﨣(s ) de Riemann. On pourrait poursuivre la liste des exemples.

Nées avec le problème des cordes vibrantes et la théorie analytique de la chaleur, les séries trigonométriques ont conservé avec la physique un lien permanent, en particulier en optique, en astronomie et en cristallographie.

La mise en œuvre de programmes de transformées de Fourier rapides permet le traitement sur ordinateurs de données autrefois inexploitables. En un mot, les formules de Fourier, dans lesquelles les intégrales sont remplacées par des sommes finies pour se prêter au calcul, permettent le calcul de N coefficients au moyen d’un nombre d’opérations (additions, multiplications) qui est de l’ordre de 2. La «transformée de Fourier rapide» permet d’obtenir ces N coefficients au moyen de N lg N opérations. Le gain est considérable.

C’est ainsi qu’en 1970, dans certains programmes du Centre interrégional de calcul électronique (C.I.R.C.É.) à Orsay, on pouvait calculer plus d’un million de coefficients en moins de dix minutes. Ces programmes ont été utilisés particulièrement en astrophysique.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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